En rouge et blanc
Ces deux couleurs furent certainement les éléments les plus représentatifs de cette demi-finale du championnat d’Europe U21. C’est ce que je me suis dit vers quatre heures du matin, à mi-parcours de ma quasi nuit blanche durant mon trajet de retour : les douloureuses couleurs de mes bras rougis m’ayant rappelées que l’après midi durant, malgré la crème solaire, l’astre d’or s’était chargé de roussir mon épiderme.
Rouge et blanc aurait pu correspondre aussi à ces gorgeons servis dans ces Duralex lors d’un amical repas il y a quelques mois au sein du moto club de Mâcon. Mais ces deux couleurs rouges et blanches furent avant tout les couleurs polonaises du plastron porté par le pilote Adrian Cyfer, vainqueur de la ½ finale du championnat d’Europe U21. Pour le grand bonheur des spectateurs, trois pilotes Polonais sont venus sur l’anneau de Mâcon, avec pour chacun, le même objectif en tête : décrocher l’un des cinq tickets pour la finale du championnat d’Europe.
La fièvre du samedi soir
J’attendais la première séance d’essais des UEM en fin d’après-midi afin d’observer Cyfer, Legowik et Kaczmarek découvrant et décryptant la piste de Mâcon. Après un premier tour à l’allure d’une asthmatique et croulante Warszawa tournant sur trois pattes, les aiglons polonais on déployés leurs ailes. Crévindiou ! ils envoient du kilowatt dans les courbes ces pilotes. Ils sont rapides, très rapides. Les entrées en virage sont impressionnantes : les mises en glisse des machines sont réalisées tardivement en fin de ligne de droite ce qui permet à ces trompe-la-mort d’entrer dans les courbes en conservant beaucoup d’énergie cinétique.
A l’âge des premiers émois en compagnie de jeunes poulettes de basse-cour, ces coquelets slaves aux ergots très affutés ne picorent pas du millet mais tournent au méthanol. Évoluant au sein des meilleurs clubs de speedway Polonais, ils sont malgré leur jeune âge déjà, des pilotes très aguerris, de véritables avions de chasse. Les mécaniciens de speedway Polonais parmi les meilleurs au monde, n’ont mis que très peu de temps pour ajuster les setups de machines et permettre ainsi à ces trois U21 Polonais d’enflammer la piste mâconnaise.
Bison Ravi alias Boris Vian utilisa dans une de ses truculentes chroniques, le néologisme « Pologner ». Hubert, Adrian et Daniel se sont livrer samedi au plus grand plaisir des spectateurs, à un festival de « Polognades » tant les manches disputées furent intenses mais lucratives en points.
Remontons les aiguilles de notre montre Vostok durant quelques instants : les années 70 Polonaises : années d’acier forgées dans un métal soviétique bien trempé. De vielles fourgonnettes Nysa et Zuk avalaient chaque fin de semaine des Jawa DT 500 pour les recracher sur quelques pistes noires. « Tant que ces écervelés glisseront sur ces pistes de scories, ils ne se livreront pas à de subversives activités » aurait pu penser à cette époque « la mouche » alias le général Jaruzelski (décédé le mois dernier). De nos jours, La rouge et blanche Pologne est devenu avec le rouge et blanc Danemark, le grand pourvoyeur de champions de speedway. En une vingtaine d’années, l’hideuse et poisseuse chrysalide anthracite s’est progressivement métamorphosée en un papillon brillant de mille feux. Ces feux de la rampe attirant ces papillons par leurs lueurs de lucre…
Le soleil a déjà atteint son zénith depuis longtemps lorsque les derniers fourgons des pilotes du championnat d’Europe vinrent décharger roulantes et machines. Les machines des Polonais Cyfer et Legowik sont rutilantes. Aux couleurs bleus et jaunes du club de speedway de Gorzow, les machines de Cyfer ont tapés dans l’œil du badaud. Le fin liseré jaune appliqué sur les jantes des machines d’Adrian doit être certainement très à la mode dans cette voïvodie de l’ouest Polonais en ces temps.
Inspiration narcissique ou ultime précaution de la part de Daniel Kaczmarec afin d’éviter de se faire « taxer » ses meules de speed en allant chercher un makowiec et deux Zywiec à l’ABC du coin, celui-ci à fait marquer en lettre blanche sur le pourtour de ses jantes noires, son prénom « Daniel ». Dans leurs livrées noires et blanches, bien plus que les machines de Tai Woffinden, ses machines me suggèrent les Bmw R32 des années 20 ou les membres des géniaux « Nonnes Troppo », s’est selon…
Espresso…
En parcourant les pits des autres pilotes, je m’arrête quelques instants de-ci de-là pour prendre des nouvelles des pilotes que je côtoie habituellement sur les différentes pistes européennes. Le fougueux Vicentin est bien présent. Ce petit gars m’a toujours plu : dans ses bons jours, il enflamme la piste. Intrépide, il flirte très souvent avec les limites du raisonnable dans les courbes.
Samedi soir, installé confortablement tel Jean Rochefort dans le fauteuil de la coiffeuse de cette très sensuelle Italienne (cf le mari de la coiffeuse) en deuxième position d’une manche, Nico n’avait qu’à assurer sa manche pour glaner deux points dans la « popoche » . Ma ché no ! C’est sans connaitre Nicolas Vicentin ! Déboulant tel un Sergio du stand des fééries, ce feu follet s’est mis en tête d’aller chasser du Polonais sur les terres du domaine de la Maconnade : quelle déconnade ! Nicolas terminera sa course effrénée en allant gouter au confort moelleux des airfences qui ont dû lui rappeler ce film de Jean Rochefort….
Morituri te saluant
A quelques mètres, son compatriote légionnaire Paco Castagna a élevé son camp (romain…). Dans son barda, Paco n’a pas oublié d’y ranger une furieuse envie de décrocher un pass pour la finale. L’an dernier Paco malgré d’excellentes séances d’essais a dû faire face à quelques déboires, le privant ainsi d’une place en finale. Cette année Paco fût déjà quelques heures avant de rentrer dans l’arène, très concentré. Le jeune gladiateur a livré des manches de très belles qualités avec cette combativité qui le caractérise. Dans sa dernière manche, me trouvant alors très proche de la ligne de départ, j’ai vu Paco venir repérer et préparer durant quelques minutes son ornière. Cette année, pas de problème mécanique ou de setups : Paco, gladius entre les dents, récoltera dix points (1,3,2,2,2) et décrochera la cinquième et dernière qualification pour la finale.
Corsaire du roi
Les frêles frégates et autres flutes de 20 canons germaniques, italiennes, Tchèques et Slovènes ont subits les assauts du redouté corsaire Bellego. Point de boucanerie ici : lettre de marque oblige, l’enseigne Bellego pratique l’abordage de pilote de speedway dans les règles, ses trajectoires sont propres, son style élégant et incisif. L’an dernier ce sympathique flibustier remplis ses coffres de Mâcon avec 15 points (3,3,3,3,3). Il terminera alors sur la troisième place lors de la finale du championnat d’Europe à Güstrow en Aout dernier. En récoltant cette année 14 points ce Surcouf du schiste s’est assuré une place en finale.
Gageons que tel le Renard de Surcouf, David sera maintenir son cap en final du championnat d’Europe U21. Il est à noter que David s’est lancé dans deux autres aventures cette année : d’une part, le championnat du monde U21 pour lequel il s’est qualifié à Stralsund (nord-est de l’Allemagne) en mai dernier. D’autre part le championnat du monde : un cruel et étrange résultat (0,0,0,0,3) en Race Off 2 à Czestochowa le 21.06 mettra un arrêt pour cette année à sa quête du GP Challenge. Championnat d’Europe U21, championnat du monde U21, championnat du monde : souhaitons un bon vent et des navigations exemptes de kraken au corsaire Bellego !
Riss soufflés
Trois Allemands furent appelés en ce 14 juin 2014 à Mâcon : les frangins Riss ainsi que le Bavarois Grobauer. La venue des trois Polonais a certainement compliqué la tâche des trois Allemands. Sur le papier l’énoncé était simple : cinq tickets pour la finale, trois Polonais et un Bellego déchainé : 5-3-1=1 ticket. L’an dernier, les Riss ont obtenus des résultats mitigés. Pour cette demi-finale, les Riss soufflés (en demandant l’indulgence de messieurs Yanne, Blanche, Dac et Dard pour la tristesse de ce jeu de mot) par une belle dynamique ont proposé de belles manches.
A Mâcon, le « Deutsch-Mark » est à la hausse : il a su dynamiter ses manches. Ayant trouvés les bons setups, Marc s’est payé le luxe durant sa première manche de « taper » un des trois Polonais : Kaczmarek. Re-Mark, il se payera de la même manière un deuxième Polonais (Legowik) pour sa deuxième manche. Terminer devant ces Polonais ne fut pas une sinécure pour Mark : il lui aura fallu avoir deux départs canons sur une machine parfaitement réglée puis avaler quatre tours à toute blinde. Chapeau bas Monsieur Mark pour votre panache de ce jour. Mark accède ainsi à la quatrième place avec un score solide : 3,3,3,1,1 (11 points). Erik peut être plus à l’aise sur les pistes de longtrack s’est contenté d’un score plus modeste (1,1,2,0,3).
Valentin Grobauer à l’issue de sa dernière manche, ne savait pas à quel Saint se vouer afin de vider son trop plein de sentiments mêlés. Après avoir passé la ligne d’arrivée de sa dernière manche, ses lents mouvements de casques de gauche à droite indiquaient dans quel désarroi Valentin pouvait être. Le jeune Bavarois vient de rater sa dernière manche en récoltant zéro point. Ce manque de réussite dans cette manche et malgré ses points (3,2,1,3,0) projette Valentin dans une position incertaine. Est-il certain d’accéder à la finale avec ses neuf points ? Les choses avaient très bien commencé avec une victoire durant sa première manche. Malheureusement la présence des Polonais ainsi que les bonnes prestations de Bellego ainsi que de Riss et Castagna ont fortement réduit les degrés de libertés : la moindre erreur durant une manche impactant fortement le classement d’un pilote. Avec neuf points, Valentin se classe à la sixième place, synonyme de qualification en tant que première réserve…
Néanmoins, qui aurait pu penser que la géopolitique mondiale allait impacter directement la vie de Valentin Grobauer ? La finale de fin aout, devait avoir lieu en Ukraine. Il est fort probable que celle-ci soit programmée dans un autre pays. Le rubik’s cube de Valentin n’a fait qu’une première rotation : reste à connaitre dans quel pays sera organisé la finale : si c’est en Lettonie, la qualification de Lebedev dans sa demi-finale permet à Valentin d’être qualifié. Si ce sont les Pays-bas, les carottes (ou plus exactement la Bayerische Weisswurst) seront cuites à moins que….(troisième rotation du Rubik’s cube…) l’un des pilotes ne déclare forfait…
Carton rouge pour nuit blanche
La dix-neuvième manche a connu un dénouement des plus intriguant. Afin de se qualifier, le Polonais Kaczmarek devait remporter cette manche. Après avoir pris un excellent départ, Daniel s’est retrouvé solidement en tête jusqu’au moment où subitement Daniel a fermé les gaz en pleine ligne droite laissant filer les autres pilotes et sa qualification dans la foulée. Fou de rage, le Polonais est allé plaider sa cause en évoquant avoir vu un flash rouge (indiquant normalement un arrêt immédiat de la course en cas d’accident par exemple). Il est vraiment regrettable que ce néophyte de la glisse n’ai pas réussi à se qualifier. La rixe teintée de noms d’oiseaux qu’il y a eu lieu dans les coulisses est tout aussi regrettable. Je ne comprends pas les commentaires acerbes en Polonais laissés par des fans sur des sites de speedway polonais. Violence et haine pour une simple course de motos… Il me vient à l’esprit ces deux noms : Jerzy Popieluszko et Tibhirine
Résultat :
1. Adrian Cyfer (3,3,3,3,3) 15
2. David Bellego (3,2,3,3,3) 14
3. Hubert Legowik (2,2,2,3,3) 12
4. Mark Riss (3,3,3,1,1) 11
5. Michele Paco Castagna (1,3,2,2,2) 10
6. Valentin Grobauer (3,2,1,3,0) 9
7. Nicolas Vicentin (0,2,3,1,2) 8
8. Daniel Kaczmarek (2,3,0,2,D) 7
9. Erik Riss (1,1,2,0,3) 7
10. Roman Cejka (2,1,0,2,D) 5
11. Ziga Kovacic (0,0,0,2,2) 4
12. Ledislav Vida (2,0,1,0,1) 4
13. Ondrej Smetana (1,1,W,0,2) 4
14. Xavier Muratet (D,1,1,1,1) 4
15. Nick Lourens (0,0,2,1,0) 3
16. John Bernard (1,0,W,0,1) 2
17. Julien Cayre (réserve)
Championnat de France :
Durant cette journée, s’est déroulé le championnat de France de Speedway 500cc :